Nous sommes heureux de vous présenter Poétiques de l’instant, projet au long cours et diptyque discographique qui s’attache à faire résonner deux œuvres incontournables pour tout quatuor à cordes français – les chefs-d’œuvre de Debussy et de Ravel – avec d’autres pièces musicales et des créations.

Le premier opus est centré sur le Quatuor de Debussy et nous avons fait appel à un jeune compositeur, Yves Balmer, pour les oeuvres qui gravitent autour : il a réalisé l’arrangement des “Proses Lyriques” et nous lui avons commandé une oeuvre nouvelle, “Fragments soulevés par le vent”.
Le second album s’intéresse au Quatuor de Ravel et la création en miroir d’une oeuvre de Bruno Mantovani, son quatuor n’5. Dans ce disque, nous explorons également deux chefs-d’œuvres de Maurice Ravel : Introduction et Allegro pour harpe, flûte, clarinette et quatuor à cordes et Ma mère Loye dans une version inédite et arrangée par notre ami Emmanuel Ceysson.

Pour enregistrer ces programmes à nos côtés, nous avons fait appel à quatre artistes d’exception, la soprano Jodie Devos, la flûtiste Juliette Hurel, le harpiste Emmanuel Ceysson et le clarinettiste Rémi Delangle.
Au-delà de leur immense talent, nous les remercions pour leur fidélité.

Les Voce

Poétiques de l’instant

L’art de Claude Debussy (1862-1918) est d’une irréductible modernité. Évoquer les harmonies délicates et sophistiquées, les résonances mystérieuses et les timbres subtils, les suspensions auxquelles répondent les élans souples de voluptueuses arabesques, la poésie de la nature, la rêverie ou d’antiques mélopées, modèle d’une souplesse métrique unique, l’incomparable combinaison d’échelles tonales, modales ou exotiques, ou encore son univers littéraire raffiné, ne suffit guère pour pénétrer l’esthétique du maître de La Mer : la complexe intrication de multiples paramètres compositionnels rend son oeuvre fondamentalement ambivalente et rétive à la théorisation. Le compositeur et musicologue André Boucourechliev (1925-1997) a forgé quelques formules suggestives pour tenter de le caractériser. Celle de « poétique de l’instant » – choisie par le Quatuor Voce comme exergue du présent disque – pointe ce qu’il conçoit comme « le lieu de la modernité » de Debussy : le temps musical. Ses formes musicales, se dérobant à une perception univoque, abritent en effet une singulière conformation du temps, rythmée par les points de tension éphémères entre émotion de l’instant et conscience de l’écoulement temporel.
- Yves Balmer

Claude Debussy : Quatuor à cordes op. 10
Les oeuvres de musique de chambre sont rares dans le catalogue de Debussy, en comparaison de la musique symphonique, de la mélodie ou des oeuvres pour piano solo, qui forment les lieux privilégiés de son invention. Deux chefs-d’oeuvre appartenant à ce genre, composés aux extrémités de sa carrière, enchâssent le programme de cet enregistrement : le Quatuor à cordes créé en 1893 à la Société Nationale de Musique à Paris alors qu’il est âgé de trente-et-un ans et la Sonate pour flûte, alto et harpe, composée en 1915. Celle-ci est, avec la Sonate pour violoncelle et piano et la Sonate pour violon et piano, l’une de ses ultimes oeuvres.

Claude Debussy : Sonate pour flûte, alto, et harpe
Composé en 1915, ce trio fait partie des ultimes œuvres de Debussy. Il présente un alliage inédit de timbres, l’alto et son registre chaleureux s’agrégeant à deux instruments particulièrement mis à l’honneur dans nombre de ses compositions antérieures.

Guillaume Becker (alto) 
Juliette Hurel (flûte) 
Emmanuel Ceysson (harpe)

Claude Debussy : Proses lyriques (arr. Yves Balmer)

Le genre de la mélodie française témoigne du goût de Debussy pour la littérature. D’abord sensible aux parnassiens Théodore de Banville et Leconte de Lisle, il se tourne ensuite vers les Fêtes Galantes de Verlaine (1891). Dans les quatre Proses lyriques (1892-1893), dont il écrit musique et texte, se succèdent moments intimes, comme suspendus, et élans opératiques presque wagnériens. Les teintes voilées du piano se muent parfois en un accompagnement dense et orchestral pour mettre en relief des passions assez éloignées des sentiments éthérés et aériens plus fréquents chez le compositeur du Prélude à l’Après-midi d’un faune.

Jodie Devos (soprano)
Quatuor Voce